Régiment d'Alsace | |
---|---|
Drapeau d’Ordonnance du régiment d’Alsace |
|
Période | 1656 – 1791 |
Pays | « Allemand » |
Allégeance | Royaume de France |
Type | régiment |
Rôle | Infanterie de ligne |
Guerres | Guerre franco-espagnole Guerre de Dévolution Guerre de Hollande Guerre des Réunions Guerre de la Ligue d'Augsbourg Guerre de Succession d'Espagne Guerre de Succession de Pologne Guerre de Succession d'Autriche Guerre de Sept Ans |
modifier |
Le régiment d’Alsace est un régiment d’infanterie constitué d'Alsaciens et d'« Allemands » au service du royaume de France créé en 1656.
Historique[]
Le comte Guillaume de Nassau-Saarbruck, avait eu un régiment à la solde de France dès 1635, ce qui a donné lieu à quelques écrivains de croire que le régiment d'Alsace remontait à cette date, bien que cette opinion fût contredite par le rang qu’Alsace a toujours occupé dans l’infanterie[1].
Création et différentes dénominations[]
- 1656 : création du régiment d’Alsace, au nom de cette province
- 18 janvier 1760 : renforcé par incorporation du régiment de Bergh
- 1er janvier 1791 : renommé 53e régiment d’infanterie de ligne
Colonels et mestres de camp[]
- mai 1656 : Guillaume, comte de Nassau-Saarbruck
- 22 décembre 1667 : Chrétien II de Bavière, prince de Birkenfeld, † 26 avril 1717
- 1er mai 1696 : Chrétien III de Bavière, prince de Birkenfeld, † 1735
- 10 mars 1734 : Frédéric de Bavière, prince des Deux-Ponts, brigadier le 20 février 1743, maréchal de camp le 14 mai 1743, lieutenant général le 16 février 1746, † 1767
- 4 juillet 1752 : Charles Auguste de Bavière, prince de Deux-Ponts, † 1er avril 1795
- 12 novembre 1770 : Maximilien Joseph de Bavière, prince de Deux-Ponts, neveu du précédent, † 13 octobre 1825
- 18 avril 1776 : Christian Louis, baron de Wurmser
- 15 avril 1780 : Just Emilius de Pagenstecher
- 1er janvier 1784 : Jean Jacob, baron de Coehorn
- 13 mai 1785 : Marie Eugène François Hermann, comte de Hinnisdall de Fumal
- 25 mai 1786 : Louis Eberhard, baron de Esbecke
- 25 juillet 1791 : François Joseph de Newinger
- 24 septembre 1792 : Charles Louis de Fladen
Garnisons, campagnes, combats et batailles du Régiment d'Alsace[]
Ancien Régime[]
Guerre franco-espagnole (1635-1659)[]
Le traité entre le roi et le comte de Nassau-Saarbruck, pour la levée du régiment d’Alsace, a été signé à Strasbourg le 16 avril 1656[1]. Le régiment devait se composer de 6 compagnies de 100 hommes, et être prêt à entrer en campagne le 15 juin. Un supplément au traité doubla le nombre de ses compagnies.
Le Gazette de France du 14 juillet 1656, sous la rubrique de Strasbourg, annonce ainsi
l’exécution de ce traité :
« Le 7 du courant, le régiment, naguère levé en Alsace pour le service de Sa Majesté chrestienne, composé de 1 500 fantassins les plus lestes qui se soient veus depuis fort longtemps, passa à Sainte-Marie-aux-Mines ; et, après la reveüe qui en fut faite, prit le chemin de Toul pour aller de là joindre l’armée du Roy, en Flandre, sous le commandement du comte de Nassau-Saarbruck. »
On pourrait inférer de cette note que le régiment d’Alsace a été formé à Schelestadt ou aux environs.
Alsace arriva à la fin de juillet à La Fère : le roi le vit le 30, et, le 1er août, ses 12 compagnies joignirent l’armée. Celle-ci venait de subir un épouvantable échec devant Valenciennes, et le régiment arrivait fort à propos pour donner à Turenne les moyens d’arrêter les progrès des Espagnols et de faire le siège de La Capelle.
Après la campagne, Alsace se retira à Sainte-Marie-aux-Mines. Il revint à la Fère l’année suivante ; le roi le passa en revue le 11 juin, et il fut mis en garnison à Landrecies.
Le 19 août, Turenne, qui assiégeait Saint-Venant, charge M. de Siron, lieutenant-général, d’aller avec 3 escadrons le chercher à Landrecies pour le conduire à Arras, d’où il devait escorter les bagages de l’armée jusque sous Saint-Venant. Siron s’acquitta mal de sa mission : laissant Alsace seul à la garde du convoi, il prit les devants avec sa cavalerie. Le « duc de Bouteville », célèbre depuis sous le nom de maréchal de Luxembourg, et qui servait alors avec le prince de Condé dans l’armée ennemie, profita de l’occasion qui lui était offerte, et, tombant avec un gros corps de cavalerie sur le régiment d’Alsace, il le dispersa et lui tua beaucoup de monde. Le comte de Nassau ramena les survivants à Sainte-Marie-aux-Mines, et travailla activement à rétablir son régiment.
Il le conduisit, en juillet 1658, à l’armée du maréchal de La Ferté, qui s’assemblait à Laon et qui alla mettre le siège devant Gravelines ; Alsace s’est couvert de gloire à ce siège. Dans la nuit du 13 au 14 septembre, à l’attaque de l’ouvrage à cornes, lui et l’ancien Lorraine établirent un pont flottant sur un endroit où la marée couvrait d’eau deux fois par jour, et parvinrent, malgré les efforts des assiégés, à faire jouer trois fourneaux et à faire un logement capable de contenir 400 hommes. A la fin de cette campagne, Alsace se rendit à Nancy pour y tenir garnison.
Les réformes opérées dans l’armée après la paix des Pyrénées, au lieu d’affaiblir le régiment, le portèrent à 20 compagnies par l’incorporation de Broglie-Allemand, qui fut effectuée le 12 décembre 1659. Il demeura le premier des régiments entretenus à titre étranger, et bien qu’il portât le titre d’une province réunie à la France, il a conservé jusqu’au bout l’organisation et la paye étrangères.
Guerre de Dévolution[]
A la fin de 1667, sur la démission du comte de Nassau, il devint la propriété de Christian II de Bavière, prince de Birkenfeld, et depuis il est toujours resté dans la maison de Bavière.
Alsace prit part en 1667 aux sièges de Tournai, de Douai et de Lille. L’année suivante, il servit à ceux de Dôle et de Salins, et fut ensuite mis en garnison à Arras.
En 1671 il fut appelé au camp de Dunkerque, où le roi fit exercer les différents corps aux manœuvres et travaux de guerre, et distribua des prix à ceux qui se montrèrent les plus habiles. Ce fut Alsace qui obtint le premier prix.
Guerre de Hollande[]
Il a fait, en 1672, tous les sièges de Louis XIV. En 1673, devant Maëstricht, il soutient le régiment du Roi à la prise du chemin couvert et il aide les Gardes à l’attaque de l’ouvrage à cornes : ce jour là, il laisse plus de 100 hommes sur le terrain.
En 1674, pendant que le 2e bataillon contribuait à la belle défense de Grave, le 1er combattait à Seneffe.
Le régiment entier participe en 1675 à la conquête de Dinant, d’Huy et de Limbourg, et termine la campagne à la prise de Thuin-sur-Sambre ; en 1676, il fait le siège de Condé, couvre celui de Bouchain, sert encore à celui d’Aire et va faire lever le siège de Maëstricht.
En 1677, il est au siège de Valenciennes et à celui de Cambrai, dont la citadelle bat la chamade sous ses drapeaux, puis va au secours de Charleroi. Il débute en 1678 par le siège de Gand, et passe à celui d’Ypres. A l’assaut de la citadelle d’Ypres, 24 mars, le lieutenant-colonel de Warel conduit le régiment en bataille, enseignes déployées et tambours battants jusqu’à la crête du chemin couvert : la citadelle est emportée ; Warel et deux autres officiers sont blessés.
A la bataille de Saint-Denis, les deux bataillons d’Alsace étaient placés dans le défilé avec deux bataillons des Gardes françaises et le premier du régiment du Roi. Ces braves troupes escaladent les rampes de l’abbaye de Casteau, attaquent l’infanterie du prince d'Orange embusquée dans les haies et la mettent en déroute ; le prince de Birkenfeld fait des prodiges de valeur et reçoit une blessure à la joue ; le capitaine Thalmann est tué ; 14 officiers sont blessés. Le régiment retourne en Alsace et quelques compagnies combattent en 1689 à Minden.
Guerre des Réunions[]
Alsace a servit en 1683 au siège de Courtrai, et en 1684 il faisait partie du corps qui protégeait les opérations du siège de Luxembourg.
Guerre de la Ligue d'Augsbourg[]
Il était en 1688 et 1689 à l’armée de Flandre, qu’il quitta en 1690 pour passer à celle du Roussillon. On le voit cette année à la reprise de San-Juan de las Abadezas et de Ripoll, et au blocus de Girone. Il va prendre ses quartiers d’hiver dans la Provence et rallie en 1691 l’armée des Alpes. Il y débute le 17 mars par la prise de Villefranche, qui lui est particulièrement due. Après la reddition du château, qui a lieu, le 21, il marche à la conquête rapide de Sant-Ospizio, de Montalban et de Nice. La prise de la citadelle de Nice, qui capitule le 2 avril, coûte la vie aux capitaines Dagel et Melchdeck.
Alsace participe encore cette année à la soumission de Veillane, de Carmagnola et du château de Montmélian. Un 3e bataillon, récemment levé, servait dans le même temps en Flandre : il était en 1692 au siège des châteaux de Namur, et en 1693 il avait la garde de Menin.
Les deux bataillons anciens quittent les Alpes en 1693, arrivent en Catalogne et prennent postes dans les lignes de Roses. Le régiment entier est à la bataille du Ter le 27 mai 1694. Il ouvre la tranchée devant Palamós le 1er juin, à l’attaque de gauche. Le 4, le major Marion est tué et plusieurs officiers sont blessés en repoussant une grande sortie. Palamós est emporté d’assaut le 7, et cette conquête est bientôt suivie de celle de Gérone, Hostalrich et Castelfollit. A la fin de la saison, Alsace entre dans Palamós ; il défend cette ville contre plusieurs surprises.
Il marche en 1695 au secours de Castelfollit et, pendant l’attaque des retranchements espagnols, il est chargé de faire une diversion sur le défilé qui mène à Castelfollit.
En 1696, fort de 4 bataillons, il se porte au secours de Palamós et contribue, près d’Hostalrich, à la défaite du prince de Hesse-Darmstadt.
L’année suivante, Alsace est devant Barcelone, où il se classe parmi les meilleurs régiments de l’armée. Le 19 juin, les assiégés, à la faveur d’un chemin creux à gauche de l’attaque, occupent un moulin avec 200 hommes soutenus par 50 cavaliers et par d’autres troupes placées en arrière. Le jeune prince de Birkenfeld, qui venait de succéder à son père, reçoit l’ordre de les chasser avec les 2 premiers bataillons d’Alsace et les grenadiers de Sault. Un peu avant la nuit, le 1er bataillon investit le moulin par la droite et le 2e par la gauche ; la porte est enfoncée à coups de hache ; tout ce qui est dans le moulin est passé au fil de l’épée, à l’exception de 37 hommes qui ont le temps de se réfugier au premier étage et qui, sur la menace d’être brûlés, se rendent à discrétion.
Cette action se passa à la vue de 2 régiments espagnols et 4 escadrons que le prince de Darmstadt, gouverneur de Barcelone, avait fait sortir pour secourir la garnison du moulin, et qui furent aussi entièrement défaits et poursuivis jusqu’au chemin couvert. Le régiment eut à regretter le commandant du 1er bataillon ; le 23, Alsace repousse une sortie ; le 17 juillet, il monte à l’assaut des 2 bastions de l’attaque. Les assiégés font une résistance désespérée et, les armes se brisant dans la mêlée, on en vient à combattre à coups de poing et de pierres. Deux fois les bastions sont enlevés et presque aussitôt repris par les Barcelonais. Enfin le prince saisit un drapeau et court le planter au milieu d’un des bastions. Ce trait d’audace étonne les assiégés en même temps qu’il rallume l’ardeur des assaillants, et les bastions demeurent au pouvoir des braves persévérants soldats d’Alsace. Le colonel fut le héros de ce siège. Ce fut en vain que le comte de Coigny, qui commandait la tranchée le jour de l’assaut, voulut plusieurs fois le faire retirer :
« Non, disait-il, je tiens d’autant plus à rester à mon poste que la brèche est défendue par les Allemands impériaux, commandés par mon cousin de Darmstadt ; je veux leur montrer que les Allemands français savent faire leur devoir. »
Alsace, revint en France après la prise de Barcelone, et le 17 mars 1698, il reçut par incorporation le régiment des Milices d’Alsace, levé le 8 octobre 1692.
Guerre de Succession d'Espagne[]
Pendant les 12 premières campagnes de la guerre de la succession d'Espagne, les 4 bataillons d’Alsace servirent constamment en Flandre. Ils étaient en 1702 à la déroute des Hollandais près de Nimègue, et en 1703 au combat d’Eckeren.
Ils suivirent en 1704, le maréchal de Villeroy sur la Moselle, séjournèrent quelque temps à Landau pour recueillir les débris de l’armée de Bavière, ruinée à Höchstädt, et revinrent dans les Pays-Bas au secours de Namur assiégé. Alsace se signala particulièrement, le 18 juillet 1705, quand les Alliés attaquèrent et rompirent les lignes de Villeroy, près de Louvain. Les troupes anglaises ayant percé les lignes près d’Elsem, la brigade d’Alsace se voit un instant entourée et chargée par la cavalerie de Marlborough. Les 4 bataillons se forment rapidement en carrés, ouvrent sur l’ennemi un feu de mousqueterie terrible et font une retraite admirable sans se laisser entamer.
Le régiment assista depuis à la déroute de Ramillies en 1706, à celle d’Audenarde en 1708, et en 1709 à la bataille de Malplaquet, où périt le lieutenant-colonel de Steckemberg, qui avait été blessé déjà dans les deux précédentes affaires.
En 1711, Alsace est à l’attaque d’Arleux, et en 1712 il se couvre de gloire à Denain. Il sembla, ce jour là, ivre du désir de laver tant d’offenses. Il combattit avec un acharnement incroyable, écrasant et massacrant les pelotons épars des Anglais, qui cherchaient à se rallier et à tenter encore une résistance dans le cimetière et les jardins de Denain. Après cette mémorable journée il alla faire le siège de Marchiennes ; il contribua à la reprise de Douai, du Quesnoy et de Bouchain.
Passé à l’armée d’Allemagne en 1713, Alsace sert d’abord au siège de Landau et mérite, par sa conduite devant cette place, l’honneur très rare d’une lettre autographe de félicitations de la part de Louis XIV.
Il se rend ensuite devant Fribourg. Il fut un des régiments têtes de colonne à l’attaque du 14 octobre. Chargé de l’attaque de gauche, il débouche par deux endroits et en bon ordre sur le chemin couvert. Un feu nourri de l’artillerie et la mousqueterie de la place n’empêchent point les grenadiers de scier les palissades : le reste du régiment se précipite par les passages qui lui sont ouverts ; là commence un furieux combat. Les assiégés disputent le terrain pied à pied ; mais peu à peu ils sont acculés dans une place d’armes et ils y sont presque tous passés par les armes. Alsace, ce jour là, perdit ses 4 capitaines de grenadiers, et 683 hommes furent mis hors de combat.
Le maréchal de Villars voulut exempter le régiment de tout service pendant le reste du siège ; mais les officiers et les soldats, dignement représenté par le lieutenant-colonel de Monera, le prièrent de les laisser partager encore les périls et les fatigues des autres corps. A la paix, le régiment fut réduit à 2 bataillons.
C’est pendant cette guerre, et par capitulation signée à Versailles le 19 juillet 1704, que furent réglés le rang et le mode de recrutement des régiments allemands d’Alsace, Greder, Zurlauben, Furstemberg et Sparre.
Pour donner moyen aux colonels et capitaines desdits régiments d’avoir leurs compagnies complètes et les entretenir de toutes choses, il fut permis aux officiers desdits régiments de retirer dans toutes les troupes du Roy, à la réserve des Suisses et des milices levées en 1701, les soldats qui seront avérés de nation allemande ou de la province d’Alsace, en donnant vingt livres pour chaque homme. La province d’Alsace est réservée pour la levée des recrues desdits régiments, avec défense aux officiers suisses et aucun des autres troupes du Roy d’y travailler, ainsi qu’il a déjà été ordonné par le passé.
Guerre de Succession de Pologne[]
Alsace est en 1727 au camp de la Moselle et en 1733 à l’armée du Rhin. Il sert au siège de Kehl, rétablit les fortifications de l’île du Marquisat, et est reporté à 3 bataillons le 1er novembre et à 4 bataillons le 1er juillet 1734. Il est dans cette deuxième année au combat d'Ettlingen et au siège de Philippsbourg.
Le 14 juillet, les 4 compagnies de grenadiers, réunies à celles de Piémont, débouchent sur l’ouvrage à cornes par les ponts de droite, tombent à la baïonnette sur les défenseurs et les mettent en fuite.
En 1735, le régiment combat à Klausen, et il est de nouveau réduit à 2 bataillons le 8 janvier 1737. Il était alors en garnison à Sarrelouis. La propriété était passée en 1734 au prince de Deux-Ponts, fils du prince de Birkenfeld.
Guerre de Succession d'Autriche[]
Remis à 3 bataillons le 15 mai 1741, Alsace fait partie du corps auxiliaire envoyé, sous les ordres du marquis de Ximénès, à l’électeur de Bavière. Il se met en route au mois d’août et prend part le 26 novembre à l’occupation de Prague.
Voici la vérité sur ce qui se passa à la mémorable surprise de Carlsthor. La tête de colonne était composée des 3 compagnies de grenadiers d’Alsace et celle du régiment de Beauce, dont l’illustre Chevert était alors lieutenant-colonel. Les grenadiers d’Alsace marchaient les premiers. Cette petite troupe d’élite était suivie par 700 fusiliers et 600 dragons à pied. On arrive à une heure du matin au pied des murailles. A deux heures et demie, une échelle est posée sur une face des bastions qui avait environ 10 mètres de hauteur. Un sergent de grenadiers d’Alsace, nommé Pascal, monte le premier. Ils n’étaient encore que 10, y compris Chevert, sur la berne, quand l’échelle se rompt avec fracas. Une sentinelle fait feu et s’enfuit, en criant : Aux armes ! Quelques Autrichiens de garde dans le bastion tirent aussi sans savoir de quoi il s’agit ; plusieurs, cependant, pour l’acquit de leur conscience, font une ronde : mais nos 10 braves, couchés à plat ventre sur la berge, ne sont point aperçus, et les hommes de garde se retirent convaincus qu’ils ont eu une fausse alerte. Pendant ce temps l’échelle est raccommodée ; de nouveaux grenadiers arrivent ; le bastion est enlevé sans coup férir. Chevert fait abattre le pont-levis de la porte Neuve, située près de là, et livre passage aux fusiliers, aux dragons et enfin au comte de Saxe.
Telle fut la prise de Prague, qui ne coûta pas un seul homme, et qui fut presque complètement due à l’excellente discipline des grenadiers d’Alsace, qui surent garder le silence pendant plus de deux heures, malgré l’émouvant accident arrivé à l’échelle. Cette version diffère de celle qui a été adoptée par la tradition. Nous négligeons celle-ci, qui est suspecte, comme celle de Waterloo, précisément à cause des additions poétiques et des mots épiques que l’on a cru devoir ajouter après coup à la simple réalité.
Peut de temps après l’occupation de Prague, le régiment fut envoyé à Pisseck, où, le 28 décembre, il défendit la porte de Budweis contre une entreprise des Autrichiens. En avril 1742, le 3e bataillon fut détaché pour aller au siège d’Egra : les 2 autres se trouvaient au mois de mai au combat de Sahai et au ravitaillement du château de Frawembert. En rentrant dans Prague au mois de juin, les 3 bataillons ne comptaient que 380 hommes dans le rang. Ces débris prirent une part active à la belle défense de la capitale de Bohême. Dans la nuit du 19 au 20 août, ils repoussèrent vigoureusement une tentative des Autrichiens sur le chemin couvert où ils étaient campés. Le prince de Deux-Ponts y fut blessé.
Au mois d’octobre, après la levée du siège, Alsace fut envoyé à Bömichbrod, sur la frontière de Saxe, pour faciliter la jonction du corps de Maillebois. Cette mission accomplie, il rentra dans Prague, ramenant un détachement qui avait été laissé à la garde du château de Frawemberg sous les ordres du capitaine Glaubitz.
Alsace quitta enfin Prague le 16 décembre. En arrivant en Bavière, il trouva un ordre qui prescrivait aux régiments allemands de l’armée du maréchal de Belle-Isle de rester sur le Danube. Il fut en conséquence mis en garnison à Amberg avec Royal-Bavière : ces deux régiments devaient former une brigade de réserve.
En 1743, Alsace fait partie de l’expédition chargée de ravitailler Egra, et au retour il est cantonné sur la Wiltz. Lorsque l’archiduc Charles eut forcé les passages du Danube, les troupes françaises furent forcées de se retirer sous Ratisbonne, d’où elles gagnèrent le Rhin. Alsace repassa ce fleuve au mois de juillet, fut porté à 4 bataillons le 31 août, et acheva la campagne au camp de Spire. Il concourut à la défense de l’Alsace en 1744 et se couvrit de gloire à la reprise de Weissembourg : le capitaine Bilang et les lieutenants Vaugibert et Vogt furent tués. Le régiment se trouve, plus tard, aux affaires d’Augenheim et de Reichevaux.
Au mois de septembre il partit pour la Bavière avec le comte de Ségur. Il prit ses quartiers d’hiver aux environs de Donaüwoerth, se distingua au combat de Pfaffenhofen et rentra en France. Pendant le reste de cette campagne, il demeura à l’armée d’observation du bas Rhin sous le prince de Conti.
En 1746, il vint camper sur la Sarre pendant le siège de Mons et sur la Meuse pendant celui de Charleroi : il couvrit de plus près encore les opérations du siège de Namur, et il eut l’honneur, à Rocourt, de former la réserve avec les Gardes françaises et suisses, et d’attaquer avec Champagne le village d’Ance. Il assista, en 1747 à la bataille de Lawfeld. En 1748, pendant le siège de Maëstricht, il occupait avec les régiments de Fersen et de Nassau les hauteurs du château de Bethléem (nl). Après la cessation des hostilités, il fut réduit à 2 bataillons par ordre du 26 décembre, et envoyé à Metz.
Le prince de Deux-Ponts céda, en 1752, le régiment à son fils. Celui-ci ne servit point en France, et depuis ce moment, le commandement réel du corps a été exercé par un colonel en second ou colonel-commandant.
Guerre de Sept Ans[]
Au mois d’octobre 1756, Alsace dut faire partie du corps auxiliaire promis à l’impératrice Marie-Thérèse ; mais la France se trouva bientôt obligée de combattre pour son compte, et le régiment fut appelé, en 1757, à l’armée du Bas-Rhin. Il se distingua à la bataille d'Haastembeck, où le capitaine Picquot prit à l’ennemi huit canons et trois obusiers, et où trois autres capitaines furent blessés.
Alsace forma ensuite l’extrême avant-garde du maréchal de Richelieu dans l’invasion de Hanovre ; il força, 31 août, le camp des Hanovriens entre Rothembourg et Otterberg, et le 3 septembre, sur l’avis que l’armée du duc de Cumberland était campée à Emerseem, il reçut l’ordre de se porter avec tous ses grenadiers de l’armée sur Cloterseeven. Il combattit le lendemain à Bevern avec sa valeur accoutumée, et, le 8, les Hanovriens signèrent l’engagement de ne plus porter les armes pendant cette guerre. Après quelques courses, Alsace, entra, 28 septembre, au camp d’Halberstadt ; il y demeura jusqu’au 5 novembre. Ce jour là, le jour néfaste de Rosbach, les Hanovriens, violant la convention de Closterseeven, se remettaient en campagne ; le régiment marcha à leur rencontre, se trouva au combat de Vegesach et à la prise de Brême. Il resta dans cette ville jusqu’en février 1758, et se retira sur le Rhin.
Il servit cette année à la prise de Cassel et combattit à Sundershausen. Après cette affaire, il occupa quelque temps Göttingen et fut engagé à Lützelberg. Les brigades de Piémont, d’Alsace et de Castellas furent lancées les premières au feu et franchirent le vallon qui séparait les deux armées avec tant de promptitude qu’en un instant on les vit avec leur canon sur la crête du coteau opposé. Le combat ne fut pas long : l’ennemi, favorisé par la nuit, se retira, abandonnant la plus grande partie de son artillerie dans les défilés de Munden.
En 1759, Alsace se trouvait encore avec Piémont à la bataille de Bergen, et il était aussi cette année à l’affaire de Minden.
Le 18 janvier 1760, Alsace est de nouveau rétabli sur le pied de 4 bataillons par l’incorporation du régiment de Berg. Il combat cette année à Corbach, à Warbourg et à Stattberg. Après ces journées, il se rend sur le bas Rhin avec le marquis de Castries, et fait des prodiges de valeur à Kloster Kampen. Il était placé à côté d’Auvergne et fut presque détruit : M. de Castries fut obligé de faire avancer les 2 bataillons de Briqueville pour combler l’énorme vide que le feu de l’ennemi venait de produire entre Auvergne et Alsace. A la fin de la bataille, l’infanterie s’était répandue dans la plaine à la poursuite de l’ennemi et allait être chargée en queue par la cavalerie anglaise qui venait déjà d’enlever un drapeau à Normandie. Dans ce danger, les survivants d’Alsace font un dernier effort ; ils se rallient derrière les haies et forcent les Anglais à tourner bride en épuisant sur eux leurs dernières cartouches. Le champ de bataille de Clostercamps était couvert de 387 cadavres portant l’uniforme d’Alsace ; 519 soldats du régiment étaient blessés. Parmi les morts, on comptait les capitaines Rumlingen, Hermelsheim, Mouch, Adams, l’aide-major Diloth et les lieutenants Delpert, Gottesheim et d’Oldenbourg : le colonel en second baron de Wangen, les commandants de bataillon de Mecker et Picquot, 3 aides-major, 23 capitaines et 22 lieutenants étaient blessés. Ce qui restait debout fut mis en garnison à Cologne.
Alsace ne prit aucune part à la campagne de 1761. Il rejoignit l’armée en 1762, soutint avec fermeté, à Grebenstein, les charges de la cavalerie ennemie, et lui fit perdre beaucoup de monde. Alsace est encore cité au combat du 23 juillet sur la Fulda et à celui d’Amenebourg. Il fut réduit à 3 bataillons le 21 décembre.
En rentrant d’Allemagne, Alsace avait été établi à Landau, puis à Strasbourg. Il quitta cette dernière ville, en juin 1765, pour se rendre au camp de Compiègne. On le voit arriver devant Saint-Omer en août 1765, à Landau en novembre 1767 et en Corse en novembre 1770. Ce fut alors que le prince de Deux-Ponts céda la propriété du régiment à son neveu, Maximilien-Joseph, devenu roi de Bavière en 1806.
Après un séjour de trois ans à Saint-Florent, Alsace débarque à Toulon le 24 septembre 1773, et se rend à Montpellier, d’où il passe à Toulouse en janvier 1774 ; il revient au mois d’août à Montpellier et de là à Sarrelouis en novembre.
L’ordonnance du 26 avril 1775 le réduit à 2 bataillons.
Il arrive à Strasbourg en juillet 1775 ; à Neuf-Brisach en octobre 1777, à Mézières et Rocroi en avril 1778, à Landau en novembre 1778, à Valognes et Granville en novembre 1781 et à Strasbourg en mai 1783. Il était encore dans cette ville en 1789.
Révolution et Empire[]
Les troupes de la garnison de Strasbourg eurent aussi leur émotion, mais tout s’y passa d’une façon germanique ; pas de duels, pas de révolte contre les chefs. A la nouvelle de la prise de la Bastille, les magistrats de la ville crurent devoir faire aux régiments de la garnison une largesse de vingt sous par homme, pour fêter ce superbe évènement. Les soldats, à qui un jour de bon temps fait oublier des années de fatigues et de privations, puisèrent dans les bouteilles une gaieté bruyante, célébrèrent la naissance de la liberté en enfonçant les portes de quelques cabarets, et montrèrent leur civisme en se livrant à une consommation exagérée qui dépassa de beaucoup le crédit qui leur avait été ouvert. Quelques corrections disciplinaires firent tout rentrer dans l’ordre.
Alsace fut envoyé à Givet en mars 1791. Les soldats mirent spontanément leurs bras et l’argent de leurs masses à la disposition des ingénieurs pour la réparation des fortifications de la place. Dans sa séance du 12 juillet 1791, l’Assemblée nationale, touchée de cet acte de désintéressement, chargea son président d’écrire une lettre de satisfaction au régiment, de lui annoncer que les avances qu’il avait faites seraient remboursées, qu’à partir de ce jour il cesserait d’être compris dans l’état de l’infanterie allemande, et qu’il prendrait l’uniforme français. La dernière partie de cette promesse ne fut exécutée qu’indirectement. Alsace ne prit point l’habit blanc ; ce fut, au contraire, l’habit d’Alsace qui devint peu après, à quelques détails près, l’habit national.
Le 1er bataillon du régiment se rendit, en avril 1792, à Verdun. Au même moment, le 2e bataillon partait pour Lorient, et de là pour Cayenne, d’où il n’est point revenu. Les colons de la Guyane firent plusieurs fois parvenir son éloge jusqu’au sein des Assemblées ; mais ce bataillon, qui ne recevait point de recrues, ne tarda pas à être dévoré par le climat. Ses derniers débris sont entrés dans la formation des corps coloniaux. Le 1er bataillon vint à Phalsbourg au commencement de la guerre, et, en 1793, il alla renforcer l’armée des Pyrénées orientales. Il combattit avec éclat à Peyrestortes le 17 septembre. Dahlmann, alors sergent, depuis colonel des chasseurs à cheval de la Garde impériale, y fut blessé.
On cite encore Alsace au combat de la Montagne Noire le 18 novembre 1794. Ce bataillon n’a été versé que le 16 juin 1795 dans la 105e demi-brigade. La 106e n’a pas été formée. La 105e, passée à l’armée d'Italie, a concouru, 30 mai 1796, à la formation de la 51e nouvelle.
Quartiers[]
Équipement[]
Insigne du Régiment d'Alsace[]
Héraldique[]
Drapeaux du régiment[]
Alsace avait eu jusqu’à vingt-quatre drapeaux, 12 par bataillon, dont un blanc Colonel, et 23 d’Ordonnance, « verts & bruns par opposition, & croix blanches »[2].
Uniforme(s)[]
Le costume, qui avait peu varié, consistait en un habit bleu turquin, une veste et une culotte blanches.
Le collet, les revers, les parements et la doublure de l’habit étaient rouges ; les boutons et le galon de chapeau d’argent. Les poches étaient en travers et garnies de 5 boutons ; les parements étaient ouverts sans boutons.
Traditions[]
Le 53e régiment d'infanterie est le dernier régiment ayant entretenu la tradition du régiment d'Alsace.
Devise du Régiment d'Alsace[]
Refrain[]
Personnalités ayant servi au Régiment d'Alsace[]
- François Louis de Wimpffen de Bornebourg (1732-1800), lieutenant-général, sous-lieutenant au régiment d'Alsace en 1743.
Notes et références[]
- ↑ 1,0 et 1,1 Ancenstramil 2008.
- ↑ 2,0 et 2,1 Lemau de la Jaisse 1739.
Annexes[]
Articles connexes[]
- Antoine Charles Louis de Lasalle ;
- Armée des Pyrénées orientales ;
- Bataille de Peyrestortes ;
- Drapeaux et uniformes des régiments étrangers au service de l'Ancien Régime ;
- Ernest de Ruttemberg ;
- Famille de Gail ;
- François Xavier Jacob Freytag ;
- François-Joseph d'Offenstein ;
- Frédéric Michel de Lajolais ;
- Guerre de succession d'Espagne dans les Pays-Bas espagnols ;
- Henri Christian Michel Stengel ;
- Henri Guillaume de Furstemberg ;
- Jean Lannes ;
- Louis Baraguey d'Hilliers ;
- Louis Jacques de Coehorn ;
- Maximilien Constantin de Wurmser ;
- Nicolas Dahlmann ;
- Nicolas Louis Jordy ;
- Palais du Gouverneur militaire de Strasbourg ;
Liens externes[]
- Marie France Robelin, « Ancenstramil », Régiment d'Alsace, sur www.ancestramil.fr, janvier 2008 (consulté le 28 juin 2014), d'après Susane 1876, p. 204-219 ;
Bibliographie[]
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Lemau de la Jaisse, Cinquième abrégé général du militaire de France, sur terre et sur mer, Paris, 1739 ;
- M. Pinard, Chronologie historique-militaire, t. 5, Paris, 1762 ;
- Général Susane, Histoire de l'ancienne infanterie française, t. 4, Paris, Librairie militaire J. Dumaine, 1876, p. 204-219 ;
- Portail de l’Armée et de l’histoire militaire françaises
- Portail du royaume de France
- Portail du Saint-Empire romain germanique
- Portail de l’Alsace
Erreur Lua dans Module:Catégorisation_badges à la ligne 154 : attempt to index field 'wikibase' (a nil value).